Le jeu by Kuhn

Auteur:Kuhn
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: City Edition
Publié: 2012-06-04T04:00:00+00:00

15

P comme Preuve

Robert aimait les mathématiques parce qu’elles étaient précises et se basaient sur des règles rigoureuses. Mais, à vrai dire, son enthousiasme pour cette matière venait surtout du fait que les maths se fondaient sur des preuves.

Après les événements des derniers mois, elles lui procuraient un sentiment de sécurité dont il avait vraiment besoin. Un problème pouvait être particulièrement compliqué, mais à la fin tout se résolvait. Tout le contraire de sa vie actuelle.

Pas d’affirmation sans preuve ! Toute la matinée, cette phrase lui avait trotté dans la tête.

Il avait vu dans les yeux de Julia le doute, la déception et la peur. Et il savait que ce doute ne disparaîtrait que s’il pouvait lui fournir des preuves objectives.

Il ne put s’empêcher de soupirer. Tout était tellement plus facile avec David qu’avec Julia. David ne savait rien de lui. David ne remettait pas tout en question.

Il leva la tête et regarda droit devant lui. Il y avait quelque chose de bizarre dans ce couloir. On avait l’impression qu’il n’avait pas de fin, comme si l’architecte l’avait construit de manière à ce que tout afflue vers un point de fuite, qui semblait s’éloigner plus on s’en approchait. D’ailleurs, ça faisait un certain temps déjà que Robert avait remarqué que quelque chose clochait dans la perspective du bâtiment.

De temps en temps, quand le soleil passait à travers les fenêtres, il lui semblait que les murs se cambraient vers l’extérieur et que les longs couloirs se repliaient. Il devait y réfléchir, car, à cela aussi, il devait trouver une explication.

Tout d’un coup, Robert sentit qu’il avait mal à la gorge, mal à la tête. L’eau avait été si froide, presque glaciale. Comme si le lac avait été rempli de morceaux de glace. Il avait senti sa peau picoter dans ce froid sibérien ; d’ailleurs, il avait toujours des frissons.

Mais il ne devait plus y penser. Il ferma les yeux et se concentra. La distance entre deux portes représentait environ quatre mètres. Il se tourna. Six portes étaient déjà derrière lui, le même nombre de portes se trouvait encore devant lui. En avançant dans le couloir, il fit le calcul. Ce couloir mesurait en tout – portes, début et fin du couloir compris – 64 mètres.

Robert continuait à avancer pendant qu’il calculait. Le plafond avait une hauteur de 3 mètres 20. Il l’avait déjà vérifié dans sa chambre. Chaque escalier comptait 12 marches jusqu’à la première estrade. Des photos étaient accrochées aux murs. L’ouverture du collège en 1969, 10 photos des promotions de 1969 à 1977, et la réouverture en 2009. Il manquait encore la photo de la leur. Celle de l’année 2010.

Trouver toutes les dimensions exactes, les exprimer en chiffres, trouver des règles.

Robert sentit que tout se précisait, tout était logique. Ça marchait toujours. Les preuves demandaient des opérations logiques. Il fallait s’en tenir aux faits. C’était simple.

Il passa dans le hall d’entrée qui lui semblait trop élégant par rapport aux autres bâtiments. Comme si quelqu’un avait voulu tromper tout le monde, donner l’illusion de quelque chose qui n’existait pas.

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